Éthique, intérêt général, respect de l’environnement… Des valeurs que Seattle Avocats a toujours mises au centre de sa pratique. Raison pour laquelle les avocats du cabinet sont convaincus de la nécessité de faire communiquer ONG et entreprises et qu’ils œuvrent à leur rapprochement. 

Décideurs. Vous avez un positionnement historique en droit de l’environnement. Pour quelles raisons ?

François de Cambiaire. L’environnement c’est la raison d’être du cabinet, fondé par Sébastien Mabile, avocat associé spécialisé en droit de l’environnement et engagé sur ce sujet. C’est aussi un paramètre qui pèse de plus en plus dans le droit. Les normes environnementales, qui sont souvent perçues comme des contraintes, permettent en réalité à nos clients d’améliorer leur stratégie de développement et leur engagement environnemental.

François Ronget. Le respect du vivant et la prise en considération des enjeux climatiques irriguent toutes nos pratiques : le droit pénal des affaires, la propriété intellectuelle, le contentieux prud’homal ou encore le contentieux commercial. Il y a une réelle prise de conscience des enjeux environnementaux de la part des entreprises.

F. de C. Nos clients recherchent des avocats prêts à les accompagner dans une démarche de prévention et de réduction de leur impact sur l’environnement. Cette volonté est d’ailleurs consolidée par la législation avec l’entrée en vigueur de la loi sur le devoir de vigilance, la transposition de la directive CSRD sur le reporting de durabilité, ainsi que le projet de directive sur le devoir de vigilance.

Défendez-vous uniquement des ONG ? Comment vous positionnez-vous à l’égard des directions juridiques des grands groupes sur ces sujets ?

F. R. Il n’y a pas d’ambivalence à défendre ces deux types de clients. Aujourd’hui, les frontières entre l’univers associatif et l’univers capitalistique sont moins épaisses que par le passé. Un grand nombre d’acteurs au sein des directions d’entreprise s’orientent vers la mise en place d’une transition écologique de leurs activités. Le fait que nous conseillions des ONG ou des mouvements politiques écologistes est transparent. Notre positionnement est assumé pour accompagner les dirigeants dans la compréhension et le dialogue avec les parties prenantes. Cette multiplicité des défenses est un atout pour notre pratique.

F. de C. Nous sommes engagés, ce qui est différent d’être militants. Défendre entreprises, dirigeants et ONG nous permet d’avoir une vision équilibrée et opérationnelle des enjeux juridiques. Nous défendons par exemple la coalition qui a assigné BNP au titre de son inaction climatique, ce qui n’empêche pas certaines entreprises de nous consulter pour les accompagner dans leur transition écologique, voire même pour des questions de droit bancaire par exemple.

"Il n’y a pas d’ambivalence à accompagner à la fois des ONG et des entreprises en matière environnementale et de droits humains" 

Notre ambition ? Continuer à travailler pour l’ensemble de ces clientèles, ONG et entreprises, et essayer de faire converger ces deux mondes. Nous animons des formations qui réunissent à la fois des directeurs juridiques de grands groupes et des ONG, et nous sommes très fiers de cela. 

Les entreprises constituent les deux tiers de notre clientèle. Nous accompagnons à la fois de grands groupes du CAC 40, mais aussi des entreprises du secteur de la gestion de services publics, ou de l’économie sociale et solidaire comme Emmaüs et Yuka.

L’expertise de notre équipe composée aujourd’hui d’une vingtaine d’avocats nous permet d’accompagner nos clients sur des contentieux stratégiques, qui nécessitent une compréhension de tous les enjeux, y compris sociétaux, en particulier pour les contentieux commerciaux, civils, pénaux ou prud’homaux, et en propriété intellectuelle.

"Au-delà de nos intérêts plus particuliers sur le suivi de nos dossiers, c’est aussi un défi ­majeur pour la justice française de montrer qu’elle est capable de gérer ces dossiers en matière de devoir de vigilance" 

Vous êtes particulièrement actifs sur les questions de devoir de vigilance, de RSE et de compliance. Que pensez-vous de la création de la nouvelle chambre consacrée au contentieux sur le devoir de vigilance et la responsabilité écologique à la cour d’appel de Paris ?

F. de C. C’est une très bonne chose. Nous nous sommes battus pour faire reconnaître la compétence du tribunal judiciaire, c’est l’un des premiers contentieux que nous avons porté en matière de devoir de vigilance. La loi a été modifiée depuis pour asseoir la compétence du juge judiciaire en la matière.

La place du juge judiciaire dans des contentieux aussi complexes est cruciale. À l’instar des avocats, nous sommes convaincus que les magistrats doivent se spécialiser, et disposer des moyens, pour rendre des décisions à la hauteur des enjeux.

Autre intérêt : une chambre consacrée à un sujet précis comme celui-ci offre la garantie d’une meilleure harmonisation de la ­jurisprudence.

Que pensez-vous des premières jurisprudences rendues en France en matière de devoir de vigilance ? Qu’attendez-vous des décisions futures ?

Notre défi pour 2024 ? Convaincre les juges d’adopter des décisions conformes à l’intention du législateur et à l’effectivité de la loi en droit français.

En comparaison, le juge néerlandais saisi sur des dossiers similaires a condamné Shell aux Pays-Bas en mai 2021 à respecter l’Accord de Paris et l’appel sera jugé au printemps. Alors que l’affaire Total climat a été introduite au même moment devant les tribunaux français, nous sommes en janvier 2024 et nous n’avons toujours pas de réponse sur le fond. La prochaine audience en appel sur les incidents de procédure aura lieu le 5 mars prochain. Il est clair qu’il y a un dysfonctionnement de la justice française, qui n’est satisfaisante ni pour une société comme Total qui se retrouve avec un procès qui dure des années et encore moins pour les ONG et les citoyens s’agissant de défis aussi urgents que le dérèglement climatique.