Peltier Juvigny Marpeau & Associés a coopté fin 2022 Clément Wierre, spécialisé en contentieux financiers. Ce dernier revient sur sa première année d’association et sa pratique au sein du cabinet.

Décideurs. Vous êtes avocat chez ­Peltier Juvigny Marpeau & Associés depuis votre prestation de serment et êtes devenu associé l’année dernière. À l’heure où les avocats changent régulièrement de maison ou créent leur propre boutique, qu’avez-vous trouvé dans ce cabinet ?

Clément Wierre. J’y ai trouvé plein de choses. Tout d’abord, il est vrai que devenir associé au sein du cabinet où l’on a été formé en tant que collaborateur est un peu l’option idéale. Au-delà de ça, devenir associé chez Peltier Juvigny Marpeau & Associés était d’autant plus évident que je rejoignais un groupe d’associés qui possédaient tous des qualités exceptionnelles et qui excellaient dans leur domaine. Ce fut un privilège de travailler pour eux en tant que collaborateur, et aujourd’hui, après un an d’association, c’est un bonheur d’être leur associé. Le choix était d’autant plus naturel que j’allais continuer à travailler avec Frédéric Peltier qui m’a formé comme collaborateur, notamment en contentieux de haut de bilan. Il y a aussi l’ADN particulier du cabinet qui, même si je n’ai pas eu l’occasion de le comparer à d’autres au cours de ma carrière, est capable d’accompagner ses collaborateurs dans leur réussite individuelle.

Peltier Juvigny Marpeau & Associés est réputé en corporate mais également en contentieux de haut de bilan, votre ­spécialité.

Les contentieux d’actionnaires et de haut de bilan constituent notre plus-value, ce pour quoi les clients viennent nous consulter. Nous faisons partie des cabinets de la place de Paris qui sont véritablement spécialisés dans ces domaines. À côté de cela, nous avons une pratique plus classique de contentieux contractuel et de contentieux commercial pour lesquels nous sommes aussi performants. Je l’explique notamment par le fait que notre équipe acquiert en premier lieu son expérience par nos dossiers en contentieux de haut de bilan, matière qui combine un très haut degré de ­technicité et des enjeux importants où les attentes de nos clients sont très fortes. Nous appliquons ces techniques aux contentieux plus “classiques”. Je ne dirai pas que ce sont des contentieux plus simples, mais la technicité à laquelle nous oblige le contentieux de haut de bilan et l’excellente connaissance du travail devant les juridictions consulaires nous donnent un avantage qui peut renverser une situation contentieuse.

Vous intervenez également en droit pénal. Dans quel cadre ?

Nos interventions sont essentiellement liées à notre activité en droit financier ou de haut de bilan. Nous avons développé avec Frédéric Peltier un savoir-faire de premier plan en matière réglementaire – en particulier boursière – et il arrive que ces dossiers connaissent une orientation pénale sur laquelle nous pouvons également accompagner nos clients, sans nous arrêter aux portes du tribunal correctionnel. S’agissant du contentieux de haut de bilan, des situations amènent parfois à devoir gérer une situation pénale soit parce qu’il existe véritablement une dimension pénale qu’il faut gérer soit parce qu’un confrère a malheureusement souhaité utiliser la menace pénale pour trouver un levier de négociation. C’est une stratégie que nous déplorons mais pour laquelle nous devons être armés pour conseiller au mieux nos clients du début jusqu’à la fin d’un dossier. En résumé, c’est un complément indispensable de notre activité haut de bilan, et, en général, un élément stratégique car à forte portée symbolique pour nos clients.

"La saisine d’une juridiction, compte tenu des délais de plus en plus importants de traitement des affaires, va parfois être utilisée pour différer le ­moment de payer" 

Que ce soit en contentieux général des affaires ou en droit pénal, dégagez-vous une tendance ? L’année dernière votre confrère Frédéric Peltier notait le recours grandissant aux solutions amiables.

Nous continuons de privilégier le recours aux solutions amiables. Les contentieux de haut de bilan peuvent aussi se résoudre à l’amiable, en expliquant aux clients que la gestion d’un litige peut être ­destructrice de valeur. Il y a toujours un intérêt à négocier, mais pour cela il faut d’abord "préparer le terrain" en ayant lancé des actions ou répondu aux offensives de l’adversaire. En cela, le traitement amiable et la gestion du contentieux ne sont aucunement antinomiques. Il faut bien maîtriser la procédure contentieuse, savoir créer du levier et se positionner sur les solutions amiables.

Au sujet des tendances, en ce moment, les tensions de trésorerie que connaissent les entreprises peuvent les amener à utiliser le contentieux comme une manière de gérer leur trésorerie. La saisine d’une juridiction, compte tenu des délais de plus en plus importants de traitement des affaires, va parfois être utilisée pour différer le moment de payer. C’est aussi le cas sur les contentieux haut de bilan. Dans cette période où les parties sont plus rétives à payer ce qu’elles doivent, proposer une solution amiable peut ne pas être le plus pertinent puisqu’on a pu voir des dossiers où l’entrée en négociation servait à retarder encore plus l’issue d’une procédure. S’il est possible d’allonger les délais procéduraux et donc reculer le moment de verser les sommes dues, alors cette opportunité pourra être saisie par l’une des parties.

Finalement, la lenteur judiciaire devient un outil stratégique ?

Oui, complètement. Et tout dépend de quel côté l’on se trouve. La question est de savoir qui pourra supporter dix-huit mois de procédure. Par ailleurs, nous sommes chanceux d’être devant les tribunaux de commerce pour la plupart de nos dossiers, en comparaison avec la situation des tribunaux judiciaires. La situation des juridictions françaises est particulièrement inquiétante mais elle n’est pas isolée en Europe. Par exemple, nous venons de finir un dossier en Belgique où notre confrère sur place nous a informés que les audiencements en appel pouvaient aller jusqu’à 2032. Certes, cela porte sur des affaires compliquées, mais cela reste extrêmement long. Avec le recul, en France, nous sommes chanceux.

Pour revenir à la question, il s’agit bien d’un outil stratégique. En revanche, nous continuons de recourir à l’amiable. En ce moment, nous avons un dossier où l’on privilégie une solution amiable, car aller au litige sera trop coûteux pour chacune des parties.

Vous avez donc aussi des dossiers à l’étranger ?

En effet. Ils portent surtout sur des contentieux post-acquisition pour des clients ayant une structure à l’étranger et des contrats comportant une clause attributive de compétence à un juge étranger. Nous n’avons pas de réseau de "best friends" attitré, mais travaillons avec des cabinets de premier plan sur plan. Nous sommes ainsi en mesure d’accompagner partout nos clients grâce à nos contacts à l’étranger avec des avocats très compétents. Dans un registre très proche, nous accompagnons aussi nos clients dans les procédures d’arbitrage lorsqu’elles concernent des matières que nous maîtrisons, telles que le contentieux de haut de bilan ou le contentieux contractuel. De la même manière, nous agissons avec notre réseau de confrères étrangers habituels.

Vous-même avez étudié à Cambridge, vous n’avez jamais pensé à y passer le barreau ?

Non. En revanche, cela me donne une connaissance juridique anglo-saxonne très pratique dans mes échanges avec nos clients étrangers. Mon LLM sert justement à accompagner nos clients de culture anglo-saxonne, laquelle est assez différente de notre système judiciaire. Cela nous permet de mieux comprendre la façon qu’ont les directions juridiques de nos clients d’appréhender un différend et de mieux les accompagner en France.

"Enseigner une matière à des étudiants qui ne pardonnent rien force à être le plus précis possible" 

Vous êtes aussi enseignant. Pourquoi ?

J’ai toujours eu une volonté de transmettre. Même durant mes études, j’avais déjà cette envie de donner des cours. J’enseigne à Science Po depuis sept ans. C’est à la fois une parenthèse dans le milieu professionnel, mais aussi une manière de renforcer ses connaissances. Enseigner une matière à des étudiants qui ne pardonnent rien force à être le plus précis possible. Le défi supplémentaire, c’est qu’il s’agit d’un cours en anglais sur le droit du numérique. Désormais, ces sujets innervent l’ensemble des problématiques des avocats. Je suis convaincu que l’on est un meilleur avocat lorsque nous maîtrisons ces nouvelles problématiques. À titre d’exemple, avec la procédure 145, il y a un certain nombre de questions qui relève de l’usage des nouvelles technologies : la vie privée, l’intégrité de la preuve, etc. Connaître les spécificités du droit du numérique est un avantage incontestable pour un avocat. C’est pourquoi, pendant le confinement, j’ai coécrit un livre sur le sujet avec Frédérique Dalle et Myriam Quéméner, deux magistrates que j’avais rencontrées durant mes études. Nous voulions un ouvrage à la fois accessible et le plus exhaustif possible sur les problématiques juridiques croisées avec la matière numérique. L’idée était d’en faire un livre accessible à toutes les personnes intéressées, où elles pourraient trouver un inventaire de toutes les questions qu’elles seraient amenées à rencontrer en faisant du droit aujourd’hui.

Que vous a apporté cette année ?

Nous avons eu de très beaux combats judiciaires, notamment en post-acquisition. De mon côté, il y a surtout eu le défi du début d’association, en particulier la constitution d’une équipe avec des collaborateurs pour m’accompagner sur les dossiers très techniques que l’on nous confie. Et cela a fonctionné. J’ai d’excellents collaborateurs, en qui j’ai confiance. Certains peuvent faire ce métier de manière solitaire, mais ce n’est pas mon cas. J’aime échanger avec les collaborateurs sur notre pratique, la vie du cabinet et nos dossiers.