Alors que les employeurs français sont nombreux à rencontrer des difficultés dans le recrutement des cadres, la mobilité croisée des effectifs entre PME et grandes entreprises s’avère bénéfique pour tout l’écosystème.
Mercato des cadres : la mobilité croisée entre PME et grandes entreprises
Les TPE-PME et les grandes entreprises sont associées à des représentations presque diamétralement opposées concernant, entre autres, l’organisation, les conditions de travail ou les moyens dont ces différentes structures disposent. Une étude de l’Apec publiée en juillet 2024 nuance quelque peu cette perception et souligne surtout l’intérêt des transferts entre entités de tailles différentes.
Deux réalités opposées ?
Aux yeux des cadres, les TPE-PME s’organisent avec simplicité et souplesse, ce qui leur permet une prise de décision rapide. Selon eux, les interactions plus aisées avec la direction facilitent l’appréhension de la stratégie de l’entreprise. Ce constat positif est contrebalancé par la nécessité d’être polyvalent, ce qui suscite une charge de travail accrue que le manque de moyens et d’effectifs peine à alléger.
De leur côté, les grandes entreprises sont perçues comme plus attractives pour ce qui est de la rémunération, de l’évolution professionnelle, des avantages divers (intéressement, participation, plan d’épargne, mutuelle, CSE…) et des conditions de travail. Toutefois, les cadres soulignent la complexité de leurs hiérarchies, qui les éloignent de la sphère de direction et de la stratégie d’entreprise. Ce faisant, ces structures affectent la prise d’initiative, l’autonomie et la polyvalence des collaborateurs.
Force est de constater que ces perceptions se vérifient sur le terrain. Malgré tout, dans certains domaines, les écarts sont moins significatifs qu’attendu : 36 % des cadres estiment que les modes de management sont plus avantageux dans des structures de moins de 250 salariés, contre 20 % dans les grandes entreprises. Alors que la quête de sens au travail prend de plus en plus d’importance dans la vie professionnelle, 30 % des sondés privilégient les petites et moyennes organisations pour l’intérêt des missions, quand seuls 20 % d’entre eux penchent plutôt vers les grandes entreprises.
Surtout, il apparaît, après calcul, que 43 % des cadres en moyenne ne jugent pas qu’un type d’entité est plus avantageux que l’autre en ce qui concerne les nombreux sujets évoqués par l’enquête.
La culture interne, qui renvoie au type de management, aux valeurs prônées par la structure ainsi qu’aux types d’interactions, l’emporte sur la taille de l’organisation lors d’un changement de poste
Désir de mobilité, mobilité désirable
Selon l’Insee, 294 300 cadres sont passés d’un employeur à un autre entre 2020 et 2021 en France. Un tiers a quitté de grandes organisations pour rejoindre des PME ou l’inverse, soit près de 3 % de l’ensemble d’entre eux. Ils sont 40 % à être partis d’une grande entreprise pour poursuivre leur carrière dans une TPE-PME, tandis que 28 % ont suivi un parcours inverse.
Les critères centraux pour les cadres qui souhaitent changer d’emploi sont les missions afférentes au poste visé et la rémunération offerte. La culture interne, qui renvoie au mode de management, aux valeurs prônées par la structure ainsi qu’aux types d’interactions, l’emporte sur la taille de l’organisation lors d’un changement de poste.
Côté recruteurs, la taille de l’entreprise précédente du candidat n’a d’importance que pour 37 % des employeurs dans les ETI-GE et 30 % pour les TPE-PME. Ce critère est largement supplanté par le secteur d’activité de la personne en question, central dans la procédure de recrutement pour 86 % des ETI-GE et 79 % des TPE-PME.
Les candidats issus de structures de tailles différentes constituent un vivier prometteur pour les entreprises
La pelouse plus verte ailleurs
En 2023, 60 % des employeurs affirment avoir rencontré des difficultés à recruter. Un phénomène plus marqué pour les ETI-GE (70 %) que pour les PME (59 %). Les candidats issus d’entités de tailles différentes constituent donc un vivier prometteur pour les entreprises, d’autant que les profils venant de TPE-PME sont jugés plus polyvalents que leurs homologues des grandes organisations. De leur côté, les cadres des ETI-GE sont reconnus pour leur respect des méthodes de travail. Des profils stratégiques pour les entreprises en quête de structuration.
Par ailleurs, la mobilité entre entités de tailles différentes peut profiter aux carrières des cadres. En passant d’une TPE-PME vers une ETI-GE, ils peuvent voir leur rémunération augmenter et leur situation matérielle se sécuriser. La notoriété des grandes entreprises renforce l’attractivité des profils sur le marché de l’emploi, notamment pour les individus en début de carrière. Les ETI-GE offrent enfin la possibilité de participer à des projets de plus grande dimension.
D’une ETI-GE vers une TPE-PME, les évolutions professionnelles sont également possibles : développement de compétences spécifiques, prise de responsabilités… Intégrer une équipe de taille restreinte apporte une capacité d’action plus rapide, et permet de constater l’impact direct d’une décision. Source de valorisation personnelle, la prise de risque se trouve facilitée dans les petites structures. Si les start-up peinent de plus en plus à trouver des financements, leur dynamisme et l’esprit d’innovation qu’elles incarnent les rendent particulièrement attrayantes à cet égard.
Outre ces considérations, les cadres ayant évolué au sein d’entités de tailles différentes sont en mesure d’avoir une vue plus large du monde du travail, et sont plus clairvoyants en ce qui concerne leurs mobilités futures, qu’elles se jouent "à domicile" ou à l’extérieur…
Cem Algul