Caroline Haquet (Manutan International) : “À l’occasion des NAO, nous prêtons une forte attention aux bas salaires"
Décideurs RH. Quelle stratégie RH avez-vous adoptée face à l’inflation ?
Caroline Haquet. Manutan est un groupe familial qui a inscrit le développement de ses collaborateurs dans son modèle pour une croissance responsable. Notre culture d’entreprise permet d’apporter des solutions aux événements marquants de la conjoncture tels que la baisse du pouvoir d’achat, dans le but de satisfaire au mieux les salariés. Cela nous permet d’être réactifs. Durant la première crise de l’essence au mois d’avril dernier, nous avons mis en place une prime carburant à l’échelle européenne, adaptée à l’usage de chacun. Cet été, à l’heure où le pouvoir d’achat est devenu la principale préoccupation de nos salariés, Manutan a opté pour la prime de partage de la valeur, modulée en fonction de chaque pays. Nous voulions rassurer nos collaborateurs au plus vite. C’est la raison pour laquelle nous avons communiqué le plus tôt possible, c’est-à-dire un mois avant que le texte soit voté. Face aux nouveaux modes de travail, nous avons également opté pour un jour de télétravail supplémentaire, l’impact sur le coût du transport permettant de gagner en pouvoir d’achat. Par ailleurs, des initiatives locales ont été prises, telles que la réduction du coût de l’abonnement à notre centre sportif ou le maintien du prix des repas à 3,60 euros le menu depuis 2014 ; l’internalisation de notre restaurant d’entreprise nous permet d’actionner ce levier.
"Cette année, nous serons à l’écoute des attentes tout en étant conscients de notre responsabilité en tant qu’entreprise"
Prévoyez-vous des augmentations de salaire ?
Traditionnellement, nous appliquons des augmentations générales et individuelles. Cette année, nous serons à l’écoute des attentes tout en étant conscients de notre responsabilité en tant qu’entreprise. Notre groupe se veut créatif pour trouver un compromis qui s’aligne avec la philosophie de Manutan, employeur responsable. Nous faisons toutefois face à un manque de visibilité car les indicateurs économiques sont flous. Si nous appliquons une augmentation, il n’y aura pas de retour en arrière possible. Nous devons également veiller à préserver le modèle économique de l’entreprise tout en valorisant l’investissement des collaborateurs. À l’occasion des NAO, nous prêtons une forte attention aux bas salaires.
Quelle est votre politique de rémunération globale ? Percevez-vous une inquiétude de la part de vos collaborateurs ?
La QVT est alliée aux avantages financiers à travers la rémunération mais également divers dispositifs permettant aux salariés de dépenser moins tout en augmentant leur pouvoir d’achat. Nous avons été particulièrement vigilants en Angleterre où ils ne bénéficient pas de bouclier énergétique alors qu’ils se trouvaient déjà en situation de grande tension à cause du pouvoir d’achat. Nous nous assurons, sur les sites où travaillent les salariés les moins aisés, de fournir des paniers repas complets et équilibrés. Notre volonté est d’apporter des solutions pour les soutenir. Dans ce cas de figure, nous avons ressenti l’angoisse de certains collaborateurs. L’annonce de la prime les a beaucoup rassurés. Nous proposons par ailleurs des dispositifs d’intéressement et de participation, qui sont des compléments de rémunération significatifs. Désireux que tous les salariés du groupe aient un retour sur les performances de l’entreprise, nous avons créé il y a quelques années le "bonus pour tous", qui par définition est applicable à tous les salariés. Ce procédé rémunère l’ensemble des collaborateurs et se trouve indexé sur des indicateurs chiffrés mais également la satisfaction client. En accord avec notre volonté de croissance responsable, nous suivons chaque mois la satisfaction de nos clients par une méthode de mesure dont l’objectif est élevé et exigeant. Il est normal que le collaborateur en obtienne le fruit. C’est un élément spécifique à Manutan qui dé-montre bien la logique de partage dans laquelle l’entreprise s’inscrit. La bonne nouvelle c’est que 2021 a été une bonne année ; les salariés s’en trouveront donc récompensés, un critère à mesurer dans l’inventaire de la rémunération.
"Nous suivons chaque mois la satisfaction de nos clients par une méthode de mesure dont l’objectif est élevé et exigeant."
Avez-vous d’autres leviers en tête ?
Il faut communiquer et faire preuve de pédagogie car tous ces systèmes de rémunération peuvent paraître complexes. Il est important que chacun puisse comprendre ces mécanismes. Notre dispositif de communication interne est globalement très solide. Nous manœuvrons avec transparence sur l’ensemble des sujets. Pour exemple, les indicateurs liés au bonus ou à l’intéressement sont présentés tous les mois au cours d’une plénière animée par les directeurs généraux en France ou les managing directors dans les autres pays en simultané. Nous y abordons également des sujets en lien avec nos clients, ou encore nos résultats financiers. Chaque salarié voit où il en est de son bonus pour tous, il n’y a donc pas de surprise. Concernant la prime, l’ensemble des collaborateurs du groupe apprend la nouvelle en même temps. En France, nous utilisons le BSI afin d’expliquer ligne par ligne chacun des dispositifs de rémunération ou des mesures d’économie mises en place par l’entreprise. À cela s’ajoutent ceux du CSE tels que les chèques-vacances ; ce sont des éléments qui aident aussi les collaborateurs. Honnêteté et transparence sont les clés d’une bonne communication : quand tout va bien, nous en parlons, quand ça va moins bien nous l’exprimons aussi.
Propos recueillis par Clara Elmira