L’association Foodwatch a annoncé le 20 février déposer plainte devant le tribunal judiciaire de Paris, contre les entreprises Nestlé Waters et Sources Alma pour avoir traité illégalement leurs eaux en bouteille et les avoir vendues sans en informer les consommateurs. Elle vise également France pour sa “complaisance” dans cette affaire.

L’information était sortie à la fin du mois de janvier 2024. D’après une enquête menée par Marie Dupin de Radio France et de Stéphane Foucart du Monde, les entreprises Nestlé Waters et Sources Alma ont commercialisé, pendant plusieurs années, de l’eau de source en bouteille, traitée illégalement, sans en informer les consommateurs. L’organisation Foodwatch a décidé de porter l’affaire devant la justice et déposé plainte au tribunal judiciaire de Paris le mercredi 21 février.

Impact sur les constituants essentiels de l’eau

François Lafforgue, l’avocat de Foodwatch, explique que Nestlé Waters et Sources Alma ont fait croire aux buveurs d’eau en bouteille (de Cristaline, de Perrier, de Vittel, d’Hépar et de Contrex) “qu’elles leur vendaient de l’eau minérale naturelle, conformément à ce que cela implique en termes de bienfaits pour la santé et de qualités nutritionnelles, tandis qu’elles leur vendaient, en fait, de l’eau anciennement contaminée qui avait été traitée de façon illégale”.

Le géant alimentaire s’est rapidement exprimé sur le sujet. Il justifie le recours aux filtres par les “évolutions de l'environnement autour de ses sources, qui peuvent parfois rendre difficile le maintien de la stabilité des caractéristiques essentielles” de ses eaux. Muriel Lienau, présidente de Nestlé, avait expliqué à l’AFP que le recours à ces techniques s’imposait en raison de l’accumulation de “différents éléments chimiques ou microbiologiques” au “passage de l'eau dans les nappes souterraines ou à travers son cheminement dans les tuyaux de l'usine”. Comprendre : le niveau de pollution de l’eau exigeait son traitement. Selon François Lafforgue, “ces techniques ont nécessairement eu un impact sur les constituants essentiels de l’eau, dès lors qu’elles ont eu pour effet de la purifier afin de la rendre potable”.

Neuf infractions

Pour Ingrid Kragl, directrice de l’information de Foodwatch, il y a clairement infraction à la réglementation et tromperie des consommateurs. “Les entreprises ont dissimulé les procédés de filtration aux contrôleurs et se sont bien gardées de donner les informations aux consommateurs ou aux distributeurs. Ce qui leur a permis d’écouler leurs produits pourtant non conformes pendant des années à la fois en France, mais aussi probablement sur le marché intérieur européen.” L’association de lutte contre la fraude alimentaire a listé neuf infractions à la directive européenne sur les eaux minérales, au Code de la consommation et au Code de la santé publique. Parmi elles, on trouve l’utilisation de traitements qui modifient la composition de l’eau, la tromperie sur les qualités substantielles d’une marchandise ou encore l’absence de remontées d’informations vers le ministre chargé de la Santé. Selon Foodwatch, Bercy aurait été alerté de la situation au détour d’une réunion confidentielle par Nestlé Waters. Le ministère de la Santé n’aurait été alerté qu’à la suite de la dénonciation d’un salarié auprès de la DGCCRF. 

L’association a également sonné l’Union européenne. Le 19 février dernier, elle a expédié une lettre à Stella Kyriakides, la Commissaire européenne à la Santé et la Sécurité alimentaire pour lui demander quelle serait sa réponse à la fraude, lui réclamer un audit et une communication aux citoyens européens sur le sujet. Elle met en cause le gouvernement français, “au courant de la fraude au moins depuis 2021”, mais qui n’a pas jugé utile d’informer les citoyen·nes ou les autres États membres, selon les informations de Foodwatch.

Dans sa missive, l’association interpelle la commissaire sur l’ampleur de la fraude : “Près de 30 % des désignations commerciales subissent des traitements non conformes.” Selon ses informations, un tiers des marques d’eaux en bouteille ne seraient pas conformes à la directive. Un chiffre provisoire compte tenu des difficultés pour les services de contrôle d’identifier les fraudes. Anne-Laure Blouin