Quelques centaines de mètres à peine séparent les locaux historiques d’August Debouzy rue de Messine à Paris et les nouveaux bureaux rénovés de la rue de Téhéran. Deux ans et demi de préparation pour un déménagement qui signe une seconde étape dans la vie du cabinet fondé il y a vingt-cinq ans par Gilles August et Olivier Debouzy. Pourquoi un simple changement passant habituellement inaperçu sur le marché des cabinets d’avocats constitue-t-il un événement immanquable ?

La vidéo filmée par un drone parcourant les nouveaux locaux du cabinet d’avocats August Debouzy a été vue et applaudie virtuellement par des milliers de personnes sur les réseaux sociaux. Impossible de rater ce qui constitua mi-janvier un grand pas pour les 250 membres d’August Debouzy. Après vingt-cinq ans dans ses bureaux de la rue de Messine, à "pousser les murs" à mesure de sa croissance, le cabinet dirigé par Mahasti Razavi a posé ses cartons à quelques mètres de là dans les anciens bureaux du siège de Parfums Dior. Un déménagement qui a duré trente mois.

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Le cabinet de curiosités, avant qu'il n'adopte un style africain.

Un accueil digne des grands palaces

Pourtant, à l’origine du projet, il fallait un peu d'imagination : "Certaines zones étaient inaccessibles à la visite en raison de la protection des secrets de fabrication, se souvient la managing partner. Mais nous ressentions tout de même une atmosphère accueillante dans laquelle nous avions envie de nous installer." La découverte des lieux n’était pas prévue, elle s’est organisée à la dernière minute un soir de juillet 2018 lorsque l'associé de chez Franklin François Verdot, qui conseille August Debouzy sur les questions d’immobilier, confie à Mahasti Razavi et Patrick Ramon, le secrétaire général du cabinet, une information alors encore confidentielle : un immeuble de bureaux va bientôt être libéré à la location.

Il se situe rue de Téhéran, de quoi séduire l’avocate iranienne et convaincre son secrétaire général. Et c’est sans compter sur le faste de sa façade typique des années 1920, son architecture en forme de E et ses quelque 7 300 mètres carrés qui permettraient aux équipes d’avoir plus d’espace. Surtout, le propriétaire accepte de convenir avec son locataire d’une réhabilitation concertée afin que les travaux correspondent aux besoins du cabinet. Le cabinet centenaire Gide était lui aussi parvenu à convenir d’un tel accord avant d’emménager dans ses bureaux de la rue Laborde fin 2018.

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Le hall d'entrée, orné de luminaires créés sur mesure.

Mais il ne suffisait pas de se mettre d’accord sur la mise en commun des travaux, encore fallait-il parvenir à un ensemble correspondant aux exigences d’August Debouzy : créer un environnement qui conjugue bien-être au travail et productivité, tout en réservant aux clients un accueil digne des grands palaces. C’était déjà le cas dans l’immeuble haussmannien de la rue de Messine mais avec moins d’espace. Pour le nouveau projet, le cabinet a fait appel au cabinet d’architectes Studio Razavi, qui travaille entre New York, Londres et Paris. "Il n’y a rien que nous n’ayons pas pu faire, se réjouit l’architecte Guillen Berniolles, de retour sur place pour un contrôle. Nous avons dû faire des arbitrages, mais rien ne nous a bloqués. Même le choix des lumières au plafond, qui laisse entrevoir les circuits électriques, a été bien accueilli."

Comme l’hôtel Okura à Tokyo

Il est vrai que la visite s’impose. Dès l’entrée, le hall, baigné dans une ambiance olfactive jasmin agrumes, accueille le visiteur avec ses deux statues, à gauche le samouraï, à droite à chouette, les symboles des fondateurs Gilles August et Olivier Debouzy. Le silence règne, grâce à l’aménagement de l’acoustique : "Nous avons porté notre attention tout au long des travaux sur le choix de matériaux adaptés pour atténuer chaque bruit, du sol au plafond en passant par la fermeture des portes", justifie Patrick Ramon. La partie réservée aux salles de réunion est feutrée, chaleureuse et propice à la confidence. Les clients sont accueillis au premier étage : "August Debouzy nous a confié un cahier des charges précis, écrit l’architecte Alireza Razavi, l’une des dimensions était une notion hôtelière, comme reflet de la qualité d’accueil et de vie. À ce titre, l’hôtel Okura à Tokyo a constitué un très bel exemple à suivre, tout à la fois moderniste, chaleureux et très ancré dans la tradition."

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La vue depuis une des terrasses du huitième étage.

Cet étage se distingue de ceux consacrés aux avocats, où se situent derrière des parois vitrées des bureaux, des box privatisables et des espaces de travail partagé. L’architecture des lieux permet à chacun de bénéficier de lumière directe. Au huitième et dernier étage se nichent un cabinet de curiosités, une salle de déjeuner et un lieu propice aux événements festifs. Ici, les terrasses offrent une vue sur la tour Eiffel et les toits de Paris. Le sous-sol réserve aussi des surprises : August Debouzy accueille maintenant un auditorium aux espaces modulables et une cafétéria, grâce à la signature d’un contrat de concession avec un spécialiste de la restauration. "Notre objectif était que chacun puisse déjeuner pour 10 euros", explique le secrétaire général du cabinet. Dans les anciens locaux, dépourvus d’un tel service, le grand escalier central constituait le carrefour, le lieu de passage propice aux bavardages. Il laisse place aujourd’hui à un lieu de rencontre, favorisant les échanges et la collaboration.

Rien n’est imposé

Les autres petits plus ? Une salle de sport, un centre de reproduction ouvert de 11h à 21h, un point IT digne d’une boutique Apple ou encore un garage à vélos. Un environnement propice à la diffusion de la culture d’entreprise et, surtout, au travail. "Le quotidien est facilité", constate Alexandre Trovato, avocat au sein de l’équipe contentieux. "Les nouveaux locaux ont permis de réunir les équipes et les parois vitrées permettent le contact visuel, ajoute Alexandre Mennucci-Maillard, qui partage son bureau. On voit tout de suite qui est présent et qui est disponible." Tout a été étudié pour faciliter la vie de chacun. "Dire que l’humain est au centre des préoccupations est une idée très répandue mais elle reste souvent de l’ordre du discours", regrette Mahasti Razavi à qui il est arrivé de visiter des locaux aseptisés. La managing partner et son équipe se sont inspirés de nombreux confrères ayant déménagé récemment afin de bénéficier de leurs retours d’expérience. "Lorsqu’on se lance dans un projet, on y met tout notre cœur. Nous avons accordé une grande importance au mobilier, à la lumière, aux installations des bureaux et à leur modulation en fonction des besoins de chacun, se souvient la spécialiste du contentieux. Il faut que chacun de nous ait envie d’aller au bureau le matin et que chacun s’y sente bien tout au long de la journée. C’est la condition sine qua non pour livrer le meilleur à nos clients." Et, pour ce qui est de la mobilité et du flex office : "On leur fait confiance", évacue-t-elle simplement, comme pour dire que rien n’est imposé.

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La cafétéria en sous-sol.

Pour un tel résultat, l’énergie et la patience de celui qui était aux manettes du projet depuis le premier jour ont été plus que nécessaires. Patrick Ramon, secrétaire général, est allé jusqu’à entretenir un certain suspense pour l’ensemble des 250 personnes qui constituent le cabinet. Ces derniers ont quitté le 16 janvier la rue de Messine où était installé un espace de souvenirs retraçant les vingt-cinq premières années de vie d’AD, des photos des fondateurs et des collaborateurs d’alors entouraient les mascottes et symboles, du cochon utilisé durant des événements sportifs à l’ours en peluche géant. Le lundi, autre ambiance : passant par l’accueil, chacun est allé découvrir son bureau avant de déambuler à l’envi, tous se rejoignant au sous-sol, plan et livret d’accueil en main. "La séquence émotion de la veille du week-end a laissé place à un moment exceptionnel d’effervescence le lundi suivant", se souvient Louis Betton, responsable de la communication du cabinet. "Ce lieu s’impose à nous, chacun le compose à sa façon pour l’adapter à sa manière de vivre", conclut Patrick Ramon, un sourire de fierté aux lèvres. Les fondamentaux du bonheur au travail.

Pascale D'Amore

Copyright de toutes les illustrations : Patrick Ramon