27 septembre 2009, aéroport de Zurich. Un avion se pose sur le tarmac. À son bord, Hervé Temime et Emmanuelle Seigner.
L’invité d’honneur du festival du film de Zurich, Roman Polanski, est en prison. Il vient d’être arrêté par les autorités suisses pour une histoire de mœurs vieille de trente ans. Le cinéaste est accusé du viol de Samantha Geimer, une Américaine âgée de treize ans au moment des faits.
«?Quand on m’annonce son arrestation, raconte Hervé Temime, je crois d’abord à un gag. Roman Polanski passe ses vacances en Suisse depuis des années, il y a même acquis un chalet.?»
À peine arrivés, le pénaliste et la femme du cinéaste rencontrent l’avocat suisse chargé du dossier. «?Je ne connais aucun précédent de remise en liberté dans une procédure d’extradition?», les prévient-il. «?Précédent ou pas, cette arrestation est une aberration ! Il faut demander la remise en liberté immédiate de Roman Polanski?», rétorque Hervé Temime.

Huit heures le lendemain. Celui qui représentait la défense de personnes impliquées dans des dossiers sensibles (Agnès Le Roux-Agnelet, Erika, Clearstream…) se tient dès l’ouverture, devant les portes de la prison. Le détenu le plus célèbre du monde entre. «?Il est hébété, mais pas un mot de plainte ne sort de sa bouche. Il est d’une dignité impressionnante. D’autant plus que je sentais son abattement malgré ses efforts.?»
Montrant le programme du festival à son avocat, le réalisateur constate que l’introduction lui est consacrée. La direction de l’événement lui promet une semaine riche en émotion. «?Ils ne m’ont pas menti?», ironise-t-il.

Durant deux heures – le maximum autorisé –, un huis clos s’entame entre les deux hommes. La procédure suisse ne prévoit aucune audition du prévenu. Tout est exclusivement écrit. «?Il fallait donc qu’on ait une discussion complète sur les composantes juridiques, factuelles et humaines de cette affaire?». L’avocat et son client tentent d’élaborer ce que sera leur stratégie, au regard des demandes d’extradition des États-Unis, qu’ils soumettront ensuite à l’avocat zurichois. En quittant les lieux, Hervé Temime «?ne se sent pas bien?» mais a une certitude : celle d’«?être investi d’une mission : le sortir de prison?».

L’avocat saute dans le premier avion direction Paris. De retour à 15?heures devant le palais de Justice alors que le procès Clearstream bat son plein. Hervé Temime approche de la salle des criées où se tenait l’audience. Une foule de journalistes s’avance, armés de micros, caméras et appareils photos. «?Je suis accueilli comme si j’étais porteur d’une information capitale. Pourtant, je ne fais qu’assister un ami dans une procédure suisse, sur une requête américaine, menée en langue allemande et sans la moindre audience publique. Aujourd’hui quand j’y repense, cette folie médiatique m’a permis de relativiser la petite notoriété que je commençais à acquérir.?»


Camille Drieu