Livres : la sélection du mois de juin
Chef-d’œuvre inédit
Certifié authentique et parvenu après des péripéties dignes d’un roman, Guerre est probablement l’évènement littéraire de l’année. Écriture hachée, langage cru, pessimisme, misanthropie… Pour les lecteurs souhaitant découvrir l’auteur, ce manuscrit inédit de Louis-Ferdinand Céline, génie sulfureux des lettres françaises, est une belle porte d’entrée. L’intrigue se déroule à l’été 1914 dans le nord de la France où Ferdinand, blessé de guerre français, est soigné et convalescent. Dans cet univers bucolique, la mort et le sexe sont partout. Fidèle à son style, l’auteur décrit sans filtre les exécutions de déserteurs, les médecins "qui charcutent", les infirmières qui "branlent" les agonisants, les souteneurs qui "carabossent des gueules" et qui envoient leur "cheptel se faire tasser". Et, en arrière-plan, le "bon peuple", attablé aux terrasses, applaudit les soldats qui "partent à la boucherie". L’ouvrage qui semble proche par moment du Voyage au bout de la nuit est l’un des textes les plus réussis de l’auteur.
Guerre, de Louis-Ferdinand Céline, Gallimard, 150 pages, 19 euros
Un Dicker d’équerre
Joël Dicker est confronté aux accusations classiques rencontrées par un auteur à succès : il tombe dans la facilité, se répète, offre un produit sans surprise plus que de la grande littérature et n’est donc pas un écrivain à part entière. Oui mais. Le produit est bon et propose ce que l’on peut attendre d’un polar de qualité. Au menu : le meurtre d’une jeune reine de beauté que tout le monde pensait résolu depuis des années. Marcus Goldman, le protagoniste principal des deux précédents Dicker, est complexe et attachant, les personnages secondaires récurrents sont truculents et décalés (l’inspecteur Gahalowood, l’agent littéraire Barnowski), l’Amérique de la côte Nord-Ouest constitue une trame de fond agréable. Surtout, et c’est le principal talent de l’auteur, l’enquête est pleine de suspense et de rebondissements. Notamment le final qui prend le lecteur de court. Oui, les amateurs de figures de style et de procédés littéraires complexes passeront leur chemin. Ceux qui veulent se détendre et profiter d’un moment plaisant peuvent plonger dans ce roman policier les yeux fermés.
L’Affaire Alaska Sanders, de Joël Dicker, Rosie & Wolfe, 576 pages, 23 euros
La muse du Z
Depuis son entrée sur la scène politique, Éric Zemmour inspire de nombreux auteurs qui s’intéressent à son discours, ses réseaux, sa personnalité, sa communication... Les journalistes Ava Djamshidi et François-Xavier Ménage se penchent pour leur part sur une pièce maîtresse de la "Galaxie Z" : Sarah Knafo, désormais connue comme la compagne du fondateur de Reconquête ! Mais qui est-elle vraiment ? Sans voyeurisme, les auteurs s’attachent à retracer son parcours : enfance aux Pavillons-sous-Bois en Seine-Saint-Denis, scolarité exemplaire dans des établissements juifs puis, entre Sciences Po et l’Ena, stages en préfecture ou à l’Assemblée nationale où elle forge peu à peu ses convictions souverainistes et anti-immigration. L’ouvrage met en lumière la capacité impressionnante de Sarah Knafo à bâtir un réseau, prendre la lumière, influencer ses aînés. Notamment le célèbre polémiste qu’elle modèle selon ses souhaits. L’ouvrage remarquablement renseigné nous plonge dans l’ascension d’une personnalité mi-Rastignac, mi-Marie-France Garaud.
L’intrigante Sarah Knafo, d’Ava Djamshidi et François-Xavier Ménage, Robert Laffont, 185 pages, 19 euros
Si la pandémie était un roman
Comme un air de déjà-vu. Tom, jeune ingénieur, traverse une époque bien étrange. Alors que la France est frappée par une vague massive d’accidents de voiture, le gouvernement prend des mesures contraignantes et liberticides, le tout dans une atmosphère de terreur largement alimentée par les médias. Au-delà de l’analogie avec la pandémie liée à la Covid-19, l’auteur Laurent Gounelle se sert du personnage de Christos, l’ami grec de Tom, pour porter un regard critique et prendre du recul sur la situation. Manipulation de masse, théorie du complot… "S’appuyer sur la peur est le meilleur moyen de conduire les gens à renoncer à leurs libertés.". Contrôler le peuple, mais dans quel but ? Et à qui cela bénéficie-t-il ? Ce roman fait office de retour à la réalité après deux ans passés sous le radar des politiques, pour le plus grand profit des multinationales.
Le Réveil, de Laurent Gounelle, éditions Calmann Lévy, 198 pages, 15 euros
Les wokes se rebiffent
S’attaquer au wokisme est devenu depuis quelques années un genre littéraire à part entière et un angle d’attaque pour de nombreux responsables politiques. Présente dans les universités, les entreprises, les médias, les partis de gauche…, cette idéologie importée des pays anglo-saxons gangrénerait la France, tuerait le débat d’idées et la cohésion nationale. Alex Mahoudeau va à contre-courant. Selon lui, le procès en "wokisme" est un chiffon rouge des penseurs réactionnaires qui veulent à nouveau faire entendre leur voix dans la société. Rien de nouveau, les années 1960 et 1980 ont connu exactement le même phénomène. Mais, à l’époque, les "coupables" étaient communistes, maoïstes et autres hippies. Tout n’est pas pertinent dans la pensée de l’auteur qui a toutefois un mérite : affûter notre esprit en apportant un point de vue différent et documenté à un véritable sujet de société.
La panique woke, anatomie d’une offensive réactionnaire, d’Alex Mahoudeau, textuel, 150 pages, 16,90 euros