Livres : les incontournables du mois de mai
Comment jugent-ils ?
Chaque année, plus de 600 000 personnes sont condamnées par la justice française. S'ils sont tenus de respecter l’esprit des lois, les magistrats prennent en considération plusieurs variables lorsqu’il s’agit de trancher : type de délit, antécédents judiciaires, âge… Mais la justice est-elle totalement impartiale ? L’actualité joue-t-elle sur la sévérité des peines ? Les caractéristiques des mis en cause influencent-elles les sanctions à leur égard ? Et s’il existe des biais, quels sont-ils ? L’économiste et enseignant-chercheur Arnaud Philippe décortique les verdicts pour tenter de répondre à ces questions. Certains constats interpellent. Par exemple, lorsqu’elles sont jugées par des hommes, les femmes semblent bénéficier de davantage de clémence, un biais moins présent lorsque la proportion de femmes juges augmente. Un essai sur la justice qui éclaire sur la société en général.
La fabrique des jugements, d’Arnaud Philippe, La Découverte, 342 pages, 22 euros
Environnement, le ministère impossible
Depuis des décennies, c’est la même chose : chaque gouvernement promet de prendre le grand tournant écologique mais peu de choses changent malgré des propos volontaristes. Pourtant, les ministres en charge de l’Environnement ou de la Transition écologique ne manquent pas de détermination. Hélas, les difficultés qui se dressent sur leur route sont trop nombreuses. La journaliste Justine Reix les a recensées en enquêtant auprès de plusieurs ministres de gauche ou de droite, de membres de cabinets, de députés ou encore de groupes professionnels. Parmi les obstacles rencontrés, certains tels que les lobbys du pétrole, de l’automobile ou la prépondérance de Bercy sont relativement connus. D’autres le sont moins et l’auteur les analyse avec pédagogie et précision : les décrets d’attribution bâclés, les cabinets aux profils uniformisés ou encore les ONG qui, par leur intransigeance, peuvent empêcher des avancées réelles.
La poudre aux yeux, de Justine Reix, JC Lattès, 190 pages, 19 euros
Immersion dans la Rome de Trajan
Les amateurs de la Rome antique connaissent sûrement la biographie des principaux empereurs, les dates des grandes batailles ou les grandes lignes de la mythologie. Mais la vie quotidienne des habitants de l’Urbs reste une zone d’ombre pour beaucoup. D’une manière claire et pédagogique, l’historien italien Alberto Angela nous fait passer une journée entière dans la capitale impériale du temps de Trajan. Une sorte de visite guidée qui nous mène dans les restaurants, les commerces, les thermes, les écoles, les insulae, les bordels… De quoi nous permettre de répondre à des questions telles que : les Romains portaient-ils des sous-vêtements ? Comment dormaient-ils ? Que mangeaient-ils au petit-déjeuner ? À quoi jouaient les enfants ? Comment draguaient-ils ? Quelles étaient les odeurs et les couleurs dans les rues de la ville éternelle ? L’ouvrage est un véritable régal qui se lit avec délectation. Il plaira autant au novice qu’au lecteur exigeant qui pense en savoir beaucoup sur le sujet.
Une journée dans la Rome antique, d’Alberto Angela, Petite Biblio Payot, 384 pages, 9,50 euros
Dans les entrailles de la Bretagne
C’est au Faou, cité du Finistère où il est né, que Philippe Le Guillou s’est confiné au printemps 2020. Une période de solitude qui fut l’occasion pour l’essayiste de se replonger dans ses visions, souvenirs et dessins d’enfance, sources d’un nouveau roman: Le testament breton. Poétique, le récit de l’auteur fait la part belle aux éléments: eau, terre, air. Car que serait la Bretagne sans ses vents parfois violents, son fougueux océan ou ses forêts enchanteresses? Que serait-elle également sans ses récits mythiques, ses sanctuaires, ses traditions religieuses? Un décor qui vient accueillir une famille et surtout des grands-parents indissociables de cette histoire et de cette géographie si particulière. Tout un univers. Tout l’univers de l’auteur et de ceux qui ont été touchés de près ou de loin dans leur vie par la Bretagne.
Le testament breton, de Philippe Le Guillou, Gallimard, 160 pages, 16 euros
Quand les collabos résistaient
L’Histoire nous enseigne que le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie marque le début de la Libération. Mais pour une petite partie des Français, cela est perçu comme une invasion. Certains ultra-collaborationnistes suivent la retraite de leurs maîtres dans un Reich assiégé. Sur place, ils sont formés, eux aussi, à la résistance. Naguère miliciens ou volontaires dans la SS, ils apprennent l’art du combat clandestin. Objectif : être parachuté en France et constituer des "Maquis blancs" prêts à préparer le terrain à un éventuel retour du nazisme. Dans cet ouvrage, Olivier Pigoreau revient sur un épisode peu connu. Il reconstitue notamment le parcours de ces jusqu’au boutistes qui ressemblent à une équipe de bras cassés. Pour preuve, aucun agent ne fera preuve d’une grande dangerosité. D’où un oubli dans les limbes d’un conflit sanglant.
Maquis blanc, la résistance des collabos. Olivier Pigoreau, Konfident, 1777 pages, 19 euros
Olivia Vignaud et Lucas Jakubowicz