Ces livres à emmener en vacances
Western franchouillard
Viré de l’armée, viré de la police, viré d’une boîte de sécurité privée. Fred Morvan est un loser oisif qui noie ses regrets dans la Kro, le gros rouge qui tache et le Ricard en compagnie de son copain Didier. Un jour, un ami d’enfance vient lui demander de retrouver sa fille disparue. Par désœuvrement, les deux compères acceptent la mission. Direction un univers peu traité par les auteurs de polar : la France périphérique et "white trash". Un univers truculent composé de villages désertés, de zones commerciales glauques et de bars PMU. Une France à l’écart des métropoles et des espaces touristiques, peuplée de piliers de comptoirs accros au jeu à gratter, de tueurs de vaches, d’anarchistes retraités, de parvenus méprisants et de zoophiles. Le décor et les personnages sont jubilatoires sans tomber dans la caricature, les dialogues et la mentalité des personnages oscillent entre Bukowski, Coluche, Groland et Houellebecq. Pour les amateurs d’enquêtes, le scénario n’a rien à envier aux classiques scandinaves ou américains, même si Benjamin Dierstein propose un peu plus d’hémoglobine. À l’inverse du Piconard (affreux mélange de Picon et de Ricard que descend le héros), le livre est à lire sans modération.
Un dernier ballon pour la route, de Benjamin Dierstein, Les Arènes, 416 pages, 20 euros
L’arnaque du développement personnel
Thierry Jobard est responsable du rayon sciences humaines dans une grande librairie strasbourgeoise. Il aimerait conseiller sa clientèle sur des ouvrages de philosophie ou de sociologie. Hélas, elle se rue sur le rayon développement personnel. Pour les aider dans leur choix, l’auteur a ingurgité des dizaines de livres de "DP". Verdict : c’est du bullshit intégral. Avec précision, mordant et ironie, il s’attaque à un genre qui invite les naïfs à "penser comme des chats" à "s’inspirer des Toltèques" ou à "adopter la psychologie du bonheur". Thierry Jobard part à l’offensive contre les faussaires qui enfoncent des portes ouvertes en utilisant un langage pompeux et les gourous autoproclamés qui font fortune sur le doute des autres sans apporter de solutions (à part acheter le second tome). De manière convaincante, il démontre comment le DP légitime une société hyper égoïste dans laquelle un individu ne peut faire confiance qu’à lui-même et ne doit croire qu’en lui-même. Un monde dans lequel tous les acquis sociaux peuvent être détruits sous le prétexte suivant : des livres de DP pourront toujours vous rendre heureux.
Contre le développement personnel : authentique et toc, de Thierry Jobard, Rue de l’échiquier, 92 pages, 10 euros
Le monde d’après
Depuis 1997, à chaque élection présidentielle, le National Intelligence Council, think tank de la CIA, dépose sur le bureau du nouveau chef de l’État son rapport de prévision sur l’état du monde. Ce document qui doit permettre au président Joe Biden de prendre des décisions de long terme s’appuie sur des projections sérieuses, telles que la hausse démographique, l’accroissement des dettes souveraines, l’intensification du dérèglement climatique ou encore la concurrence dans le domaine de l’intelligence artificielle. La dernière partie de l’ouvrage présente cinq scénarios, du plus optimiste au plus catastrophique. La coopération internationale, la relation sino-américaine et l’utilisation à bon escient des technologies semblent être clé pour éviter que nos pires cauchemars ne deviennent réalité.
Le monde en 2040 vu par la CIA, Équateurs Document, 256 pages, 15 euros
Humour noir
Pierre Lemaitre n’entend plus revenir au roman noir. Pour rendre un dernier adieu au monde du polar, il dévoile son tout premier manuscrit du genre, daté de 1985. "J’ai la réputation d’être assez méchant avec mes personnages et, dès ce premier roman, le reproche est, à mon avis, justifié", estime-t-il. L’écrivain se montre impitoyable avec ses protagonistes, à commencer par Mathilde, petite dame sexagénaire et tueuse à gages qui ne tire "jamais une balle plus haute que l’autre, du travail propre et sans bavures", adore les chiens mais déteste les mômes et arbore un double menton. L’histoire commence lorsqu’un de ses méfaits – le meurtre d’un grand patron – prend une tournure beaucoup moins hygiéniste qu’à l’habitude. L’écriture est acerbe, vive. Le roman se dévore du début à la fin.
Le serpent majuscule, de Pierre Lemaitre, Albin Michel, 336 pages, 20,90 euros
Manipuler (honnêtement), c’est gagner
La manipulation bienveillante serait-elle un oxymore ? Pas selon Fabien Olicard. Dans son dernier ouvrage, le mentaliste et vidéaste l’affirme : "Notre cerveau ne change pas sa manière de fonctionner, les techniques de manipulation traversent les âges et elles ne sont ni bonnes ni mauvaises, elles dépendent uniquement de l’intention qu’a la personne qui les utilise." Afin de ne plus tomber dans le piège de personnes toxiques ou d’apprendre à développer ce "pouvoir" de manière honnête, l’auteur retrace les mécanismes qui nous permettent de convaincre les autres ou d’obtenir les résultats que nous souhaitons. La connaissance de notre fonctionnement est primordiale dans cette démarche et notre cerveau reste un organe qu’on ne se lasse jamais de chercher à comprendre.
L’antiguide de la manipulation, de Fabien Olicard, First Editions, 240 pages, 17,95 euros
Quand Platini rencontre Freud
Difficile de résumer cette bande dessinée qui a tout de l’Ovni. Pour aller au plus simple, l’historien Sylvain Venayre, son double enfant, Michel Platini, Thierry Roland et Sigmund Freud s’interrogent sur l’équipe de France des années 1980. Celle de l’euro 84, le premier remporté par les Bleus, celle des coupes du monde 82 et 86. L’occasion de revivre une période dorée de l’histoire du sport tricolore. Mais surtout de réfléchir aux notions de rêve, d’identification, de beauté. L’ouvrage est si envoûtant qu’il est difficile à résumer. C’est foutraque. Mais historique, poétique et onirique. N’hésitez pas à vous y plonger.
Mon album Platini, génération Séville 82, de Sylvain Venayre, Christopher et Mathilda, Delcourt, 210 pages, 21,90 euros
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Macron, sans jamais oser le demander
Qu’il s’agisse de sa politique ou de sa personnalité, Emmanuel Macron suscite bien des questions et des fantasmes. Est-il un vrai réformateur ? Le nouveau monde n’est-il qu’une vaste supercherie ? Est-il véritablement écolo ? Que pense-t-il des gilets jaunes ? Plus accessoirement, a-t-il des amis ? Travaille-t-il vraiment jour et nuit ? Le journaliste Arthur Berdah s’est attelé à répondre à ces interrogations en analysant les politiques menées et en récoltant de nombreux témoignages. Dont celui d’Emmanuel Macron lui-même. De quoi mieux comprendre l’action et la psyché d’un chef d’État à la "personnalité complexe".
Emmanuel Macron, vérités et légendes, d’Arthur Berdah, Perrin, 224 pages, 13 euros
François Mitterrand, un ministre en eaux troubles
La vie du premier président socialiste de la Ve République est digne d’un roman. Sa période la moins connue est l’une des plus passionnantes. Entre 1954 et 1959, François Mitterrand est un poids lourd qui, au fil des coalitions, occupe les ministères stratégiques de l’Intérieur et de la Justice. Ces années sont marquées par plusieurs dossiers peu reluisants : l’affaire des Fuites, celle dite du Bazooka et le faux attentat de l’Observatoire (plus connu). Ces trois épisodes rocambolesques auraient pu signer la fin de la carrière de François Mitterrand. Pourtant, il n’en est rien. Celui qui fait figure d’incontournable multiplie les louvoiements, les intrigues et les renvois d’ascenseur pour rester au premier plan. La BD suit ses péripéties sur fond de guerres d’Indochine et d’Algérie, de cabinets ministériels et de conciliabules dans les troquets enfumés ou les brasseries de la Rive gauche. Par sa narration, son style et son angle, l’album fait penser à Cher pays de notre enfance qui analyse la face sombre du gaullisme. Un régal.
Mitterrand et ses ombres, de Patrick Rotman et Jacques Puchol, Delcourt, 136 pages, 17,95 euros
Lucas Jakubowicz, Olivia Vignaud